Interview - Gérard Cattiaux

06 Février 2014


L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) est l’expert public national des risques nucléaires et radiologiques. Il contribue à la sûreté des installations nucléaires par son appui technique à l’Autorité de Sûreté Nucléaire et au délégué de l’Autorité de Sûreté Nucléaire de Défense. Il assure la surveillance radiologique de l’environnement et des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants. Il mène les recherches qui lui sont nécessaires pour évaluer les risques de manière indépendante. Il contribue à l’information du public sur ces risques.

L’IRSN est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle conjointe du ministère de l’Ecologie, du développement durable et de l’énergie, du ministère du Redressement productif, du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, du ministère de la Défense et du ministère des Affaires sociales et de la santé.

 

Gérard Cattiaux

 

Pourriez-vous nous dire dans un premier temps dans quel service vous êtes basé au sein de l’IRSN et quel est votre rôle dans cette structure ? Dans quelle branche travaillez-vous ?

Je travaille dans le Service d’Expertise des Equipements et des Structures du Pôle « sûreté des installations et systèmes nucléaires ». L’une des missions de ce service est de réaliser des Expertises de Sûreté relatives à la conception, la réalisation, le comportement mécanique, le contrôle en service et le vieillissement des équipements mécanique et des ouvrages et structures de génie civil pour l’ensemble des installations ou des équipements nucléaires concernés par la sûreté. Ce service, composé de nombreux spécialistes et d’experts, réalise les expertises spécifiques à l’ensemble de ces domaines pour le compte des Autorités de Sûreté Nucléaire. Il a également en charge la conduite d’études et de recherches en appui à l’expertise dans les domaines d’activités du service.

Mon rôle d’expert est de réaliser des expertises dans le domaine des contrôles non destructifs (CND) et d’initier des recherches dans ce domaine en appui aux expertises, qui peuvent comprendre de la simulation numérique et de la mise au point à titre de démonstration de nouveaux moyens de contrôles en amont de l’industrialisation.

 

Quand avez-vous commencé à utiliser CIVA et qu’est-ce qui vous a convaincu d’utiliser la simulation ?

J’ai utilisé CIVA à ses débuts, dès que les premières versions dédiées aux ordinateurs personnels ont été proposées. En fait, l’IRSN a souhaité disposer d’outils de simulation numérique pour apprécier par ses propres moyens les performances des méthodes de contrôles non destructifs au moment où a été mise en place la méthodologie de qualification des méthodes de contrôles en Europe. Celle-ci a été définie au début des années 90, dans le cadre des travaux de l’European Network for Inspection Qualification (ENIQ) et du Nuclear Regulators Working Group (NRWG).

Dans ce cadre, l’IRSN a soutenu financièrement, a orienté des travaux et a contribué scientifiquement aux développements et à la mise en place de moyens de simulation dans CIVA pour des usages spécifiques au domaine nucléaire, en coopération avec les équipes de développement du CEA. Les résultats concluants et très encourageants obtenus à cette époque, en particulier pour la simulation des ultrasons, ont alors incité l’IRSN à poursuivre et à intensifier les travaux de collaboration, et à étendre les travaux de simulation numérique aux techniques ultrasons, courants de Foucault, puis radiographie.
Tous les travaux de l’IRSN réalisés dans le cadre de l’utilisation et de la validation des modèles, et qui concernent l’ensemble des techniques, sont accompagnés de mesures expérimentales sur des maquettes, pour avoir des éléments de comparaison entre la simulation et l’expérimentation.

 

Quels avantages cela a-t-il apporté à votre travail ? (Gain de temps, de coûts, de précision ?) L’associez-vous à un critère de sécurité ?

L’outil CIVA permet dans de nombreux cas d’apprécier les performances des méthodes de contrôles non destructifs, et d’étudier également leurs limites en faisant évoluer certains paramètres essentiels. Concernant l’IRSN, l’outil permet surtout d’étayer des recommandations formulées généralement lors d’avis techniques d’expertise, après avoir examiné les documents techniques des industriels. Ceci contribue à faire progresser la sûreté.
Une bonne appréciation de la validité des modèles et de leurs limites d’application est essentielle. Ceci passe nécessairement par des validations expérimentales et une bonne connaissance des comparaisons entre l’expérimentation et la simulation.

 

Que souhaiteriez-vous voir apparaitre dans les futures versions de CIVA ?

L’IRSN contribue activement au développement de modèles dédiés à des usages spécifiques à l’industrie nucléaire dans les domaines des ultrasons, des courants de Foucault et de la radiographie, au travers de ses programmes de recherche pluriannuels réalisés en partenariat avec les équipes de développement du CEA. L’IRSN a de ce fait une bonne vision des nouvelles fonctionnalités ou des avancées futures qui vont découler des travaux qu’il a initiés. A titre d’exemple, la modélisation des sondes courants de Foucault utilisées à l’international telle que la sonde + Point sera possible prochainement. Dans un autre domaine qui concerne notamment la radiographie, des simulations avec des films numériques pour lesquels des validations expérimentales sont en cours devraient être également proposées dans une version future.
En parallèle à ces développements, il me semble nécessaire de faire porter plus d’efforts sur l’amélioration de l’interface homme machine, afin de rendre plus aisée la définition des pièces ou encore des défauts par les utilisateurs. A titre d’exemple, il serait souhaitable de pouvoir créer et manipuler des groupes de défauts, y compris de forme complexe, par l’usage d’un logiciel CAO, avant de les incorporer dans CIVA.
De plus, des défauts simples présentant des ramifications (en Y ou autres) ne sont pas correctement pris en compte lors des calculs d’interaction faisceau-défaut lorsqu’ils sont créés préalablement par un logiciel CAO. Ces mêmes défauts sont correctement interprétés lorsqu’ils sont directement définis via l’interface CIVA. Quel que soit le moyen utilisé pour créer un défaut, ce dernier devrait être correctement pris en compte dans CIVA.
Par ailleurs, dans des cas de calculs situés en limite d’usage des modèles, des avertissements plus nombreux à l’attention des utilisateurs pourraient être affichés, de façon à mieux préciser le niveau de confiance des résultats obtenus à partir de ces calculs, ceci en relation avec les validations expérimentales réalisées ou prévues.

 

Quel est l’outil que vous appréciez particulièrement dans CIVA actuellement ?

J’utilise avant tout le module de simulation des contrôles par Ultrasons, parce que la technique est très utilisée dans l’industrie nucléaire, et conduit à mettre en œuvre un nombre important de cas d’application diversifiés. J’utilise également le module de simulation des contrôles par radiographie, avec un intérêt croissant au fur et à mesure de l’introduction des nouvelles fonctionnalités.