Interview - Bengisu Yilmaz

23 Mai 2022

 

Aujourd'hui, nous sommes ravis d’avoir pu échanger avec Mme Bengisu Yilmaz, PHD à la Kaunas Technical University et maintenant chercheuse END au BAM (Bundesanstalt für Materialforschung und prüfung), à propos de ses récents travaux en lien avec les thématiques POD et MAPOD.

 

Bengisu Yilmaz

 

Vous avez récemment achevé avec succès vos travaux de thèse à la Kaunas Technical University, comprenant une thématique intitulée "MAPOD (Model Assisted POD) based reliability assessment of ultrasonic features for bonding quality evaluation" (Approche MAPOD pour l'évaluation de la fiabilité du contrôle par ultrasons de la qualité de collages). Pourriez-vous nous en dire plus sur le contexte industriel de ces travaux ?

Par rapport à des fixations mécaniques, le collage est une technique d'assemblage présentant un certain nombre d'avantages, comme par exemple une repartition plus homogène des contraintes. En particulier, lorsque des matériaux composite sont en jeu, le collage est utilisé préférentiellement car il ne nécessite pas de percer la structure, ce qui assure une meilleure intégrité des fibres. Mais bien que son intérêt pour les matériaux composite augmente de façon significative, le recours à cette technique est tout de même limité par le manque de techniques END fiables.
Ma these s'intitulait en effet "Evaluation of bonding quality in aircraft structures using different nondestructive testing methods".  L'objectif de cette thèse était de déveloper des méthodes END pour l'évaluation de la qualité des assemblages par collage dans l'aéronautique. Son dernier chapitre était orienté sur l'évaluation de la fiabilité desdites méthodes END, en determinant des indicateurs de Probabilité de Détection (POD) s'appuyant sur la modélisation ou approche "MAPOD" (Model Assisted POD).

 

Dans ce contexte "MAPOD", la simulation numérique a naturellement été un élément essentiel de vos travaux. D'après vous, quels sont les bénéfices, mais également les limites, induits par l'utilisation de la simulation dans des études de POD ?

L'obtention de courbes de probabilités de detection nécessite une activité conséquente et en même temps très couteuse. Elle s'appuie sur de nombreuses maquettes, et demande de réaliser de multiples campagnes d'essais mettant en jeu différents systèmes et/ou opérateurs. Je pense que l'avantage le plus important lorsque l'on passe par la simulation est l'élimination de ces coûts. De plus, cela en augmente le "rayon d’action". Par exemple, il est très difficile de produire certains défauts sur des maquettes physiques, alors qu’ils peuvent être simulés aisément.
D'un autre côté, implémenter la simulation numérique pour l'estimation de courbes POD accroit la complexité de l'étude, car on doit par exemple prendre en compte les hypothèses inhérentes aux modèles même si l'on prévoit des phases de validation de la simulation avec l'expérience. Il y a aussi certains paramètres qui sont difficiles à implémenter dans un modèle de simulation, comme ceux liés au facteur humain.

 

Quelles fonctionnalités disponibles dans CIVA pour ce type d'étude pouvez-vous mettre en avant ? Pensez-vous également à des ameliorations qui seraient nécessaires ?

Selon moi, la capacité d'utiliser des métamodèles dans les études de variation avec CIVA amène un gain de temps significatif. De plus, pouvoir implémenter un script de post-traitement permet d'extraire de façon très efficace des critères d'analyse spécifiques à partir des données d'inspection ultrasonores. Cependant, lorsque l'on construit une courbe POD à partir d'un métamodèle, on ne peut choisir qu'un critère d'analyse du métamodèle. Pouvoir choisir parmi un ensemble de critères disponibles serait une amélioration utile pour la prochaine mise à jour.

 

Il y a quelques années, vous avez participé à la formation "Fiabilité en END" proposée par EXTENDE. De quelle manière cette formation vous a-t-elle été utile pour vos travaux de thèse ?

Cette formation couvre des thématiques assez larges : rappels de théorie des statistiques, courbes ROC, courbes POD, plans d'expérience, et plus encore. Regrouper toutes ces informations m'a permis de clarifier les concepts et la terminologie associés à la fiabilité pour le CND. Nous avons également pu pratiquer sur d'autres outils que CIVA tels que MH-1823 POD. Cela nous a permis de mettre en oeuvre pas à pas la méthodologie pour estimer la fiabilité. J'ai eu plusieurs fois recours à mes notes après la formation.

 

Vous avez récemment pris un nouveau poste en tant que chercheur au BAM (Bundesanstalt für Materialforschung und prüfung). Pourriez-vous nous décrire votre role au sein de cet institut ?

Au BAM, je fais partie de la division Techniques Electromagnétiques et Acoustiques au sein du département END. Je travaille sur un projet inter-disciplinaire appelé QI-Digital, visant à concevoir une infrastructure pour le contrôle qualité moderne. Intégrant l'équipe de Structural Health Monitoring (suivi de la santé des structures), nous travaillons à la mise au point de jumeaux numériques pour les stations de stockage d'hydrogène. Nous visons à utiliser plusieurs méthodes SHM, comme les Ondes Guidées, les capteurs à fibre optique et l'émission acoustique. Bien qu'elles ne soient pas limité à cela, mes contributions principales porteront sur la validation des résultats de SHM, le traitement de signal, la fusion de données, et l'analyse de fiabilité. Ce projet doit s'étendre jusqu'à fin 2024, et est supporté par le Ministère Fédéral de l’Economie et de l’Energie (BMWi) en Allemagne.