Interview - Nicolas Dominguez

28 Février 2012


Nicolas Dominguez, Chef de Projet CIVA au CEA, nous a rendu visite et a accepté de répondre à quelques questions.

 

Nicolas Dominguez

 

Comment êtes-vous arrivé à ce poste au CEA ? (Quel a été votre parcours ? Comment l'opportunité s’est-elle présentée ? Pourquoi avoir accepté ce poste ?)

J'ai commencé ma carrière comme ingénieur en antennes spatiales chez Alcatel Space. J'y ai développé des outils logiciels de conception et de prédiction de performances d’antennes multi-éléments, pour des applications en télécommunication par satellite. L'éclatement de la bulle des télécoms en 2001 m'a fait me réorienter vers l'aéronautique et AIRBUS, que j'ai rejoint pour y faire une thèse sur le Contrôle Non Destructif par ultrasons de la porosité dans les matériaux composites. A la suite de ma thèse, j'ai intégré le Centre Commun de Recherche d’EADS, renommé depuis EADS Innovation Works. Chez EADS IW, j'ai été en charge des activités liées à la modélisation des CND. J'ai bien sûr poursuivi des travaux sur la caractérisation de défauts dans les structures en composites, mais j'ai également travaillé sur les problématiques liées à la maintenance des structures aéronautiques, à travers le développement de méthodes de CND en courants de Foucault, et surtout le développement d'approches POD (Probability of Detection) « low-cost » utilisant la simulation.

EADS et le CEA ont un accord cadre de collaboration sur CIVA depuis 2001, et dès ma thèse j'ai été en contact avec le CEA sur CIVA. Le succès des collaborations lors de projets menés en commun, les bonnes relations, la complémentarité des compétences et des problématiques ont été autant d'éléments de rapprochement entre EADS, moi-même et le CEA. Conséquence de ces coopérations fructueuses, EADS a accepté de me mettre à disposition du CEA pour être chef de projet CIVA. C'est un énorme défi que j'ai souhaité relever pour ce que CIVA représente (la référence mondiale sur le marché de la simulation et de l'expertise en CND), et pour le très fort potentiel applicatif lié à CIVA. L'explosion des capacités de calcul annoncée depuis 15 ans comme l'élément d’avenir donnant tout leur sens aux codes de simulation est aujourd’hui une réalité, qui coïncide avec l'arrivée à maturité de modèles semi-analytiques dans CIVA, pensés pour être efficaces et répondant aux besoins des ingénieurs. La concordance de ces éléments ouvre aujourd'hui un champ applicatif gigantesque, allant de la détermination de POD à l'aide de simulations, à la conception optimale de configurations de contrôles sur des critères de couverture de zone, en passant par la simulation de la tomographie RX à des fins d'amélioration des performances de reconstructions...

Sur un plan humain, c'est aussi une très belle aventure que de piloter un projet qui implique aujourd'hui environ trente ingénieurs sur la partie « développements », et 60 ingénieurs en charge d'études basées sur CIVA.

 

Pourquoi utilisiez-vous CIVA chez EADS ? (Dans quel cadre ? Depuis combien de temps ?)

L'aéronautique est un secteur industriel qui doit en permanence conjuguer « technologies de pointe » et exigences de qualité très fortes, puisque mettant en jeu des vies humaines. Cela crée un environnement propice à l'intégration de nouvelles techniques requérant l'utilisation de modèles pour être efficaces. Côté CND, la mise en œuvre d'inspections en multi-éléments ultrasonores est l'exemple historique chez EADS ayant bénéficié des possibilités de simulations avec CIVA – calcul des lois de retards, calculs de champs associés. Aujourd'hui, CIVA est utilisé pour assister la conception de capteurs spécifiques et anticiper les performances de détection (mini-détectables et/ou POD).

Chez EADS IW, CIVA est également devenu un outil vecteur d'amélioration des méthodes et concepts de CND. Au niveau R&D, de nombreuses utilisations de la simulation sont à l'étude pour améliorer les techniques et diagnostics, mais là je dois me taire...

 

Quelles sont vos projets d'évolution pour CIVA ? (Plus de technique de CND simulées ? Plus de précision dans la simulation ? Un logiciel plus simple d'utilisation ?)

Sans parler des évolutions liées à l'amélioration des modèles, qui sont le cœur de CIVA, l'orientation que j’ai donnée aux développements consiste à rendre plus largement accessibles les possibilités offertes par CIVA. Aujourd'hui, les utilisateurs CIVA sont essentiellement des experts, des ingénieurs R&D et des chercheurs, ce qui est une représentation très réduite de la population du CND. C'est dû, d’une part, à l'intérêt que ces populations portent aux modèles et à leurs rôles dans l'entreprise, et d'autre part, soyons honnêtes, à une complexité parfois trop grande dans la définition de la simulation. Une personne capable de régler une configuration d'acquisition doit pouvoir en faire de même en simulation dans CIVA !

C'est le sens des choses : au début tout est complexe, il est difficile de faire simple. C'est la maturité des outils, le recul sur leur utilisation et l'effort de développement qui apportent l'intuitivité.

Les industriels, les salariés et CIVA ont tout à gagner dans cette histoire. CIVA est un outil qui tire vers le haut, qui engage l'intérêt des salariés utilisateurs, par la compréhension qu'il apporte et par l’exigence qu'il requiert en termes de définition des configurations. CIVA force donc aide à être précis sur les configurations d'inspections. Une configuration bien pensée et maîtrisée est plus efficace, plus rapide. Il vaut mieux se tromper devant son ordinateur quand on a encore le temps que devant la « manip » le jour où il faut sortir les pièces...

En parallèle, nous continuons à élargir la palette des techniques proposées dans CIVA, avec notamment la sortie en décembre 2011 de la première version du module CIVA de Tomographie X, et la sortie du module Ondes Guidées planifiée pour le mois d'Avril 2012.

 

Comment parvenez-vous à évaluer les besoins des utilisateurs ? (Au travers d’enquêtes ? Vous êtes constamment à l'écoute du marché ? … )

J'ai été, en tant qu'ingénieur chez EADS, l'un des représentants d'une partie du marché, que je connais très bien donc. Je ne manque pas d'être sollicité et de solliciter mes relations dans le groupe EADS pour rester au fait des besoins dans le domaine aéronautique. Pour les autres secteurs industriels (nucléaire, pétrochimie, génie civil…), que je connais moins bien, je m'appuie sur l’expérience et les retours de mes collègues du CEA et d'EXTENDE dont les contributions sont essentielles quant aux demandes d'améliorations de CIVA. De plus, la participation de « l'équipe CIVA » et d'EXTENDE aux évènements majeurs du domaine, congrès, workshops, permet de maintenir un contact fort avec les besoins utilisateurs, composante indispensable du succès des futures versions de CIVA.