Interview - Gwenael Toullelan

20 Juin 2015

 

Aujourd'hui, nous avons l'honneur de vous présenter notre échange avec Gwenael Toullelan, chargé des caractérisations expérimentales de CIVA au CEA, qui pourra, nous l'espérons, vous offrir un nouveau regard sur cette démarche clé.

 

Gwenael Toullelan
 

M. Toullelan, Vous travaillez au CEA en tant que chargé des caractérisations expérimentales de CIVA. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste cette démarche ?

La simulation numérique est un outil puissant largement utilisé dans le processus de qualification d'inspections CND. La fiabilité des conclusions tirées de la simulation dépend directement de la validité des codes et des modèles utilisés. Il est donc essentiel de quantifier le niveau de fiabilité des prédictions des différents modèles de CIVA dans des configurations de CND : c’est le but des caractérisations expérimentales de CIVA. Ce travail est basé sur des comparaisons entre des résultats expérimentaux et des prédictions de CIVA, et est réalisé pour des configurations d’inspection représentatives de problématiques de CND.

 

Comment procédez-vous ?

Dès que le thème de la caractérisation expérimentale est choisi (discussions entre Extende et le CEA), la procédure de caractérisation expérimentale suivie pour évaluer le niveau de fiabilité des prédictions des modèles comprend plusieurs étapes : définir et réaliser des expériences, décrire précisément ces expériences dans CIVA (connaissance précise des paramètres d’entrée), effectuer les calculs avec CIVA et interpréter les résultats de comparaisons entre l’expérience et la simulation.

Pour réaliser les expériences, des maquettes représentatives de la problématique CND sont réalisées. Elles sont de géométrie simple (plane ou  cylindrique), usinées avec des défauts calibrés. Une cale de référence comportant des réflecteurs de référence est également réalisée dans la même nuance de matériau pour l’étalonnage du ou des traducteur(s), indispensable à la détermination des paramètres d’entrée des traducteurs dans CIVA et à la mesure de l’amplitude de référence. Lors des inspections, une variation lente d’un paramètre à la fois est effectuée, comme par exemple la hauteur d’une entaille ou sa désorientation, la profondeur d’un TG ou son diamètre, la PCS (Probe Center Spacing) lors d’une inspection TOFD, la hauteur d’eau ou la désorientation du capteur… Cela permet de faciliter l’interprétation des écarts parfois observés entre la mesure et les prédictions de CIVA en identifiant au mieux leur origine.

Les essais expérimentaux sont réalisés au CEA par moi-même et les travaux de comparaisons (simulations et analyse des résultats) sont réalisés en parallèle en binôme.

 

Cela prend-il beaucoup de temps ?

Les caractérisations expérimentales nécessitent une rigueur pour la réalisation des expériences et une maîtrise de tous les éléments composant la chaine de mesure (traducteur, système d’acquisition), une méthodologie pour la mesure absolue des paramètres d’entrée (définition du traducteur et du sabot, vitesse et atténuation des ondes ultrasonores dans le matériau…). Pour garantir la fiabilité des essais expérimentaux et minimiser les sources d’incertitude, une procédure expérimentale est rédigée et des essais préliminaires sont réalisés. Ensuite, au cours de l’étude, des essais de reproductibilité sont réalisés systématiquement, de manière à évaluer les incertitudes globales liées aux ajustements mécaniques et à la qualité de l’acier de la maquette. Toutes ces étapes prennent beaucoup de temps.

 

Quelle est l’étape la plus délicate du processus ?

L’étape la plus délicate est la maitrise des paramètres d’entrée de CIVA (vitesse, atténuation matériau) qui sont tous mesurés expérimentalement. Pour cela, Il faut absolument que les cales de caractérisations expérimentales soient réalisées dans un acier homogène, exempt de discontinuités internes et d’irrégularités superficielles et de bon état de surface. De cette façon, les mesures seront d’autant plus précises et la description de l’expérience dans CIVA d’autant plus fidèle et représentative de la réalité. L’assurance de paramètres exacts à l’entrée des modèles de CIVA permet, en cas de différences observées entre l’expérience et les simulations, de ne pas mettre en doute ces paramètres.

 

Que se passe-t-il si une expérience n’est pas validée ? Cela est-il déjà arrivé ?

Les différentes comparaisons réalisées jusqu’à présent ont montré que les prédictions de CIVA sont fiables dans la plupart des cas étudiés.

Mais des écarts sont parfois observés  entre l’expérience et la simulation. La  garantie de la qualité des expériences, ainsi que la maitrise des incertitudes de mesure et des paramètres d’entrée de CIVA, obtenues grâce à la procédure suivie, permettent d’expliquer ces écarts par des problèmes de simulation : phénomènes physiques non pris en compte par le modèle (en raison de ses approximations) ou valeurs de paramètres d’entrée localisées en dehors du domaine de validité du modèle. L’explication des écarts passe souvent par la réalisation de simulations complémentaires avec d’autres modèles que celui qui est évalué.

 

Cette procédure induit-elle des améliorations dans les développements des futures versions du logiciel ?

Des actions sont faites dans CIVA pour élargir le domaine de validité des modèles et prendre en compte certains phénomènes physiques non pris en compte à l’heure actuelle dans CIVA. Ainsi, les différentes caractérisations expérimentales réalisées jusqu’à présent ayant mis en évidence des écarts serviront dans ce cas de bibliothèque pour la caractérisation expérimentale des nouveaux modèles.