Interview - Mariana Burrowes Guimarães

20 Septembre 2022

 

Aujourd'hui, nous avons le grand plaisir d'interviewer  Mariana Burrowes Guimarães, chercheuse à l'Université Fédérale de Rio de Janeiro.

 

Mariana Burrowes Guimarães

 

Vous êtes chercheuse à l'Université Fédérale de Rio de Janeiro (Brésil). Pouvez-vous nous expliquer quelles sont les principales activités de votre laboratoire, notamment en END ?

En 2009, notre labo, le LNDC ("Laboratory of Non-Destructive Testing Corrosion and Welding") a été formé via un partenariat avec Petrobras, une société pétrolière brésilienne, et l'Université Fédérale de Rio de Janeiro, dans le but d'extraire du pétrole et du gaz depuis la zone "Pre-Salt" au large du Brésil. Parmi les défis rencontrés, on peut mentionner la profondeur des réserves de pétrole, presque 7.000 mètres sous le niveau de la mer, et la présence de H2S et CO2 dans le pétrole. Cela a conduit à des installations occupant 8.000 m² au sein de l'université pour traiter les 3 thématiques : soudure, corrosion, et CND. Cela représente environ 60 employés (administratifs, ingénieurs, chimistes industriels et techniciens) et 20 étudiants (1er cycle, masters et Ph.D.). Le LNDC a une relation symbiotique avec l'industrie: il traite les demandes techniques et essaye dans le même temps de faire bénéficier les industriels des possibilités nouvelles issues de l'état de l'art scientifique. Plus précisément, le groupe CND comprend 4 chercheurs, 2 professeurs et 2 techniciens. Nous apportons des services issus des CND conventionnels, mais notre expertise principale est de développer de nouvelles applications à partir de techniques non conventionnelles comme la thermographie, la caractérisation par méthode électromagnétique, les ET multi éléments, ACFM, CT, UT Phased Array et d'autres. En dehors du cadre expérimental, notre équipe effectue également des recherches dans les domaines du post-traitement et de l'analyse des données.

 

Pourriez-vous décrire votre rôle et vos sujets de recherche au sein du laboratoire ?

Mes thématiques de travail sont principalement théoriques. J'ai consacré les dix dernières années de mes travaux à la compréhension des méthodes concernant la fiabilité en END et son importance dans la maintenance pour l'intégrité des structures. Pour cela, j'ai analysé des données purement expérimentales, des données purement issues de simulations, et des données hybrides. Nous avons également une expertise se basant sur des méthodes paramétriques ou non-paramétriques pour quantifier la fiabilité par différents indicateurs. Dernièrement, j'ai pu me consacrer aux approches bayésiennes appliqués aux études de fiabilité en utilisant les données de simulation comme "information antérieure". De plus, je m'intéresse au concept de probabilité de rejection (POR) en remplacement ou en complément de celui de probabilité de détection, ce qui implique d'approfondir les techniques de dimensionnement de défaut. Ces dernières années, j'ai pu m'appuyer sur des partenaires internationaux qui m'ont aidée à aborder ces concepts. Je peux mentionner Ed Ginzel qui est LE plus grand expert en Ultrasons et tout ce qui s'y rattache, et également les membres d'EXTENDE comme Fabrice Foucher.

 

Comment CIVA vous aide-t-il dans vos activités ? A quelle fréquence l'utilisez-vous ?

J'utilise CIVA quotidiennement. Notre groupe de CND utilise la simulation pour des projets R&D, mais aussi par exemple pour aider à développer et caractériser de nouvelles sondes. Nous travaillons avec presque tous les modules de CIVA, mais celui que nous utilisons le plus est le module Ultrasons (inspection et calcul de champ, études paramétriques et POD). Le module SHM est relativement récent, et montre à quel point CIVA s'applique à suivre les innovations et tendances dans les techniques END. Au début de ma vie de chercheur en fiabilité, j'ai pu disposer de résultats expérimentaux me permettant de valider les simulations CIVA et les courbes POD obtenues. A partir de ce moment, CIVA est devenu un outil sur lequel j'ai pu m'appuyer avec confiance pour mes études. Dans ce sens, j'utilise CIVA pour évaluer comment des modifications du protocole expérimental ou comment la variabilité des paramètres "incertains" affecte les courbes POD. En ce qui concerne l'analyse POR, CIVA peut également fournir des jeux de données concernant les valeurs de "taille estimée" à partir d'un certain plan d'expérience, en s'appuyant notamment sur les outils CIVA Script et "métamodèles", ce qui permet d'évaluer en quoi une légère évolution des tailles de défaut affecte la POD et la POR.

 

Pensez-vous que la simulation va prendre une place plus grande au sein de la communauté des END à l'avenir ? Pour quelles raisons ?

Je pense qu’elle prend déjà une place énorme dans le monde du CND. Plus les simulations sont validées via des comparaisons expérimentales ou des justifications mathématiques, plus les chercheurs et les industriels sont non seulement convaincus par la simulation, mais sont en demande de simulation pour aider à la prise de décision. C'est un phénomène intéressant, car quelques années auparavant, assez peu en fait, nous devions convaincre nos partenaires et nos clients de considérer les résultats de simulation comme des informations tangibles, notamment pour ce qui est des études de fiabilité où le recours à des données expérimentales rebute les gens compte-tenu des coûts et de la spécificité des maquettes à réaliser. Je me rappelle avoir inclus des courbes POD simulées gratuitement de nombreuses fois dans nos projets pour aider à diffuser l'apport de la simulation de ces études de fiabilité. Aujourd'hui, on observe une tendance très différente, et les acteurs reconnus du monde de la pétrochimie viennent vers nous pour obtenir des résultats de simulation. Et je dois préciser qu'ils demandent des résultats de simulations CIVA !

 

Utilisez-vous également d'autres outils de simulation ? Pourriez-vous citer les principaux avantages de CIVA ? Quelles améliorations souhaiteriez-vous y voir figurer ?

Notre équipe utilise d'autres outils de simulations et de modélisation, mais pas d'autres outils de type "semi-analytiques" comme CIVA. Etant dédié à la physique des CND, l'outil présente une efficacité certaine concernant les coûts de calcul. De plus, CIVA est extrêmement convivial. Bien sûr, comme tout outil de simulation, il nécessite un minimum de connaissances en CND afin de pouvoir construire convenablement les configurations, mais aussi pour interpréter correctement les résultats.

 

Evoluant dans une université, vous rencontrez chaque année de nouveaux étudiants qui découvrent le "monde du CND". Pensez-vous que les simulateurs tels que TraiNDE UT et RT peuvent être intéressants pour les former et attirer plus de "cerveaux" ?

Oui, sans aucun doute. TraiNDE est à même d'aider les étudiants à comprendre les principes physiques des UT et RX. Mais gardons en tête que seule une faible proportion d'une classe se destine véritablement à une carrière dans les END. Ici, à l’université, le CND est une discipline obligatoire en 1er cycle universitaire, donc ce n'est pas une option vraiment choisie par les étudiants. Je pense que la principale application de TraiNDE pourrait concerner les sessions introductives aux cursus de certifications professionnelles en UT et RT. Nous avons au Brésil un organisme appelé ABENDI (Brazilian Association of Non-Destructive Testing and Inspection) qui certifie les opérateurs en inspections non-destructives. Il y a beaucoup de formations qui préparent ces professionnels aux examens ABENDI, et ceux-ci auraient un gros avantage à pouvoir aussi s'entrainer avec de tels outils "réalistes". En plus des objectifs de certification et de qualification, il y a de nombreuses formations à destination de personnes devant être directement opérationnels dans l'industrie. Dans cette optique, tout type d'outil réaliste et facile d'accès serait une grande aide pour leur formation.