Interview - Vivian Didier

19 Mars 2021

 

Aujourd’hui, c’est avec plaisir que nous avons pu nous entretenir avec Vivian Didier, Président de la société CEDI-CONVERGENCE et Président du Pôle certification et qualification de la COFREND.

 

Vivian Didier

 

Après plus d'une quarantaine d'années de carrière dans les CND, que retenez-vous de votre expérience dans ce milieu ?

En tout premier lieu je retiens que, pour une personne animée de curiosité, c’est un métier extrêmement passionnant, dans lequel je n'ai jamais connu l'ennui ou la lassitude. Il est très complet à des titres divers.

Je cite, tout d'abord, ceux de posséder des nécessaires connaissances faisant appel à des métiers connexes. J'entends, en particulier : celles de la connaissance des matériaux métalliques et composites, des processus de transformation / élaboration des matériaux, de la métallurgie au sens large, des procédés de soudage ou d'assemblages, de la défectologie associée. Tout cela, bien évidemment, sans compter celles issues de la richesse de toutes les méthodes de contrôle disponibles ou en émergence.

En second lieu, je retiens la richesse des relations professionnelles. J'ai rencontré essentiellement et le plus fréquemment des personnes passionnées par leur métier. Ceci est vérifié dans toutes les strates des entreprises, des plus petites aux plus grandes. Je précise également le grand professionnalisme des contrôleurs ou développeurs de systèmes rencontrés dans les différentes phases de ma carrière, mis au service du métier des END.

Pour finir, le plaisir de voir émerger, de promouvoir, d'accompagner industriellement le déploiement de nouvelles méthodes et techniques d'END, dans un monde industriel innovant en perpétuelle évolution, a été pour moi une source permanente de motivation.

 

Aujourd'hui, vous êtes Président de la société CEDI-CONVERGENCE. En quoi consistent vos activités au sein de cette société ?

En tout premier lieu, il faut dire que la SAS que j'ai créée début 2020 est une micro société, dont seuls mon fils et moi-même sommes actionnaires. A dire vrai, et bien que fortement sollicité dans l'idée par diverses entités, initialement je n'envisageais nullement une reprise d'activité professionnelle en étant en retraite. Malencontreusement, un évènement familial majeur m'a fait reconsidérer ma position dans ce domaine. De ce fait, je me suis investi professionnellement en proposant mes services auprès d'EDF Direction Industrielle, de la Commission de Qualification des END, entités basées à Saint-Denis, et également auprès de diverses sociétés privées œuvrant dans le domaine des Contrôles Non Destructifs. Mes contributions sont essentiellement des apports en termes de conseils techniques, de positionnement d'expert en END, d'études dans le domaine de l'ingénierie nucléaire, d'appui à la stratégie de développement d'entreprises privées.

 

En tant qu’expert END au sein de la commission de qualification des END à EDF, quelles sont pour vous les principales qualités recherchées dans ce métier ?

Selon les domaines principaux dans lesquels s'exercent les compétences d'ingénieurs ou de techniciens dans les Essais Non Destructifs (R&D, Ingénierie en développement de procédés, mise en œuvre d’END…), les qualités essentielles requises peuvent différer, voire même être nécessairement très complémentaires.

Je retiendrais le dénominateur commun à toutes ces compétences qu'est l’extrême rigueur dont doit être animé chaque personne dans l'exercice de son métier, et surtout dans sa capacité à s'interroger en permanence sur la pertinence et la qualité de ses gestes, dans la véracité des résultats dont il a la charge d'analyse.

Le matériel et les accessoires mis à disposition des opérateurs et des analystes ont beaucoup évolués durant ces quinze dernières années. Ces nécessaires évolutions nécessitent, de la part des contrôleurs, et à tous niveaux, d'avoir des bases solides pour être en capacité de s'approprier les nouvelles technologies toujours plus sophistiquées, et beaucoup plus axées sur le traitement de signal électronique et la robotisation des systèmes.

Bien que de plus en plus de systèmes « intelligents » et performants soient proposés sur le marché, permettant aussi de minimiser le risque d'erreur dû au facteur humain, ceux-ci nécessitent encore plus de vigilance, de curiosité et de rigueur dans l'approche humaine, afin que le contrôleur ne soit pas dépendant uniquement de processus de mise en œuvre et d'analyse relevant de « boîtes noires ».

 

Les formations et les certifications sont des éléments essentiels pour assurer des prestations de qualité et fiabiliser les END. Quelle est votre vision globale sur les moyens mis à disposition des agents END pour leur formation et maintien de compétence à l'heure actuelle ? Ceux-ci vous semblent-ils en adéquation avec les exigences de la réalité du métier ?

Voici une question fondamentale, qui est au cœur de la réussite des activités d'END, comme de celle de bien d'autres métiers d’ailleurs. En effet, la formation mettant en œuvre une partie théorique traitant de la physique des méthodes et une partie d'entraînement à la mise en œuvre pratique d'END, est un élément incontournable de l'acquisition des compétences d'un agent destiné au métier des END. Evidemment, toute efficiente soit-elle, celle-ci doit être étroitement couplée à une période d'expérience professionnelle adaptée et sécurisée, permettant la montée en compétence des agents de contrôle.

"[…] pour une personne animée de curiosité,
c’est un métier extrêmement passionnant,
dans lequel je n'ai jamais connu
l'ennui ou la lassitude."

A ce jour, des Organismes de Formation (OF) spécialisés très compétents dispensent des formations de qualité. Il se peut aussi que, compte-tenu de la pluralité de l'offre et de ces organismes, des formations très hétérogènes puissent toutefois être proposées. C'est en partie pourquoi la COFREND proposera, courant 2021, un Label formation END aux Organismes de Formation désireux d'en être dotés. Ce Label consistera à attester, à l'issue d’un audit, d'une organisation générale et matérielle de la formation de qualité, mais aussi et surtout d'un contenu des programmes de formation, pour toutes les méthodes concernées, adapté aux compétences qui sont évaluées lors des examens de certification dispensés selon les conditions de la norme NF EN ISO 9712 et possiblement de la norme EN 4179.

Cette composante purement technique de l'analyse n'est, à date, aucunement évaluée par les différentes entités délivrant des agréments aux Organismes de Formation dont les clients bénéficient de subventions d'état. Le CAOF (Comité d'Agrément des Organismes de Formation de la COFREND) est en charge de mettre en place le dispositif de labellisation prévu.

Une des ambitions du Pôle certification et Qualification de la COFREND, passant par un axe fort de progrès, est d'amener progressivement à une évolution des moyens de formation et, à terme, de la certification, allant vers des dispositifs de « e-formation » et d'une composante substantielle de « e-certification » lorsque possible. Le CAOF a d'ailleurs ouvert ces nouvelles possibilités techniques dans son cahier des charges et également dans son évaluation des OF éligibles au titre du Label COFREND des formations END. A cette occasion, il est très envisageable pour les OF d'apporter une touche d'inventivité et de faire évoluer le contenu des formations pour le rendre plus adapté par l'intégration de moyens nouveaux, faisant appel à une part de séquences vidéo par exemple, et de supports numériques modernes, de nature à rendre plus attractif le contenu des formations. Il faut souligner, à cette occasion, que le métier souffre d'un manque d'attractivité pour capter les jeunes talents, et ensuite les conserver dans le métier durablement.

Ce constat m'amène à une transition visant à inciter les OF à se diriger vers une refonte, au moins partielle, des outils et moyens de formation, afin d'y intégrer une dose de modernisme et d'actualisation par intégration de nouveaux médias auxquels les jeunes étudiants sont désormais familiers, ne serait-ce même que dans leur quotidien.

 

Dans ce contexte de formation d'agents END et de maintien de compétence, que pensez-vous des outils innovants, tels que les simulateurs TraiNDE UT et RT ?

Pour ce qui est de l'arrivée sur le marché des outils TraiNDE UT, et plus récemment TraiNDE RT, développés par EXTENDE, je considère qu'il s'agit de réelles innovations, que j'ai eu l’occasion de tester de manière effective sur votre stand à l’occasion des Journées COFREND de Strasbourg, et plus récemment pour ce qui est de l'outil TraiNDE RT. Ces produits viennent couvrir une possibilité nouvelle de formation en proposant des situations très réalistes et adaptées à la formation de contrôleurs. Ces outils apportent, pour ce qui est des ultrasons, une meilleure rationalisation de l'indisponibilité de matériels ultrasons réels qui peuvent être déployés de manière industrielle, sans pénaliser les séquences de formation.

Pour ce qui est de TraiNDE RT, là le produit apporte beaucoup d'intérêt par la simplification d'accès à des moyens très lourds d'exposition et de gestion dosimétrique pour les agents. Cela est rendu possible en proposant des situations très diversifiées et très représentatives de la production industrielle en salle d'irradiation, avec des moyens également diversifiés de radioéléments Ir 192 (et à terme Co 60 et Se 75) et de Rayons X.

Ces produits apportent une réelle alternative à la formation de contrôleurs sur des moyens industriels réels, en leur proposant des outils adaptés et ergonomiques qui répondent à un besoin jusqu'alors non pourvu.

 

On entend souvent dire qu'il y a un manque d’enthousiasme pour le contrôle par rayons X (ou gamma) chez les jeunes qui sortent d'écoles ou d'universités. Pensez-vous que des outils virtuels comme TraiNDE RT pourraient faciliter les embauches, motiver ces jeunes générations ?

"[…] un outil de ce type entre complètement
dans les habitudes des jeunes
déjà entrainés à la manipulation
de consoles de jeux électroniques et
de scènes virtuelles au moyen de casques 3d"

Il existe, de manière globale, un déficit d'attractivité pour capter des jeunes talents dans le métier des END et, en particulier, concernant la radiographie industrielle. L'analyse de cette situation est complexe. Elle est liée à un ensemble de paramètres et de contraintes de métier. Dans ce domaine, la radiographie ne jouit pas d’une bonne image à plusieurs titres. Le premier consiste au fait que cette activité, hors salle d'irradiation ou cabine de protection dédiée, s'exerce en atelier ou chantier en horaires de nuit. De plus, les dangers occasionnés par les radiations, dans un contexte aujourd'hui très protectionniste des travailleurs et de leurs conditions sanitaires professionnelles, n'engage pas les jeunes à s'investir dans un métier à forte contraintes de vie et de risques d'irradiation.

De ce fait, l'outil TraiNDE RT vient s'inscrire judicieusement comme une alternative à ces inconvénients, et propose aux stagiaires des moyens modernes et ergonomiques de mise en situation de travail virtuelle mais, je le souligne, très réaliste et à moindre frais d'exploitation. En outre, l'accès aux résultats en temps réel permet de nombreuses situations d'entraînement des stagiaires et de partages / stockage des informations d'acquisition.

L'entrainement des stagiaire au moyen d'un outil de ce type entre complètement dans les habitudes des jeunes déjà entrainés à la manipulation de consoles de jeux électroniques et de scènes virtuelles au moyen de casques 3d, rendant alors très ludique et attractive la formation et l'apprentissage d'une méthode END contraignante.

 

Comment imaginez-vous l'évolution des formations au cours des dix prochaines années ?

Je pense que l'évolution de la formation passera inévitablement par un changement assez radical de paradigme dans les années à venir. En première approche, les OF devront être inventifs pour proposer une évolution dans le domaine des « e-formations » (diminution des coûts de trajets / transports et risques associés).

Ils devront également savoir se réformer pour présenter des supports de formations plus modernes et intégrant des moyens nouveaux, par exemple et lorsque possible : par accès à des formats de médias électroniques et à des images, plutôt que de longs textes que les jeunes n'apprennent plus à lire et parfois à comprendre dans le monde industriel.

Un croisement de pratiques avec les formations dispensées en apprentissage scolaire et universitaire va devenir, si ce n'est pas encore le cas, une obligation pour qu'il n’existe pas de décalage entre la manière d'acquérir les savoirs scolaires fondamentaux et ceux proposés dans la vie active par les métiers des END.